La Théorie de la Formation Interstitielle Urbaine (Th-FIU) a été développée dans les travaux d’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) en Géographe de la santé du Professeur MEVA’A ABOMO Dominique (HDR) de Université de Douala au Cameroun en 2017. Elle a par la suite été publiée dans la Revue Espace Géographique et Société Marocaine en 2020. Cette publication enrichit substantiellement la connaissance scientifique avec deux nouveaux instruments. Elle consacre la naissance (1) d’un nouveau prototype de formation urbaine et (2) d’une théorie sur la causalité régissant ladite formation. Ces instruments permettent de mieux saisir, comprendre, expliquer et simuler les couples Dysfonctionnement-Régulation de l’aménagement urbain en général et des territoires marginaux en particulier, ainsi que le corpus d’effets induits associés.
A- Qu’est-ce qu’une Formation Interstitielle Urbaine (FIU)
Une FIU est un interstice urbain mis en valeur par l’homme, un espace marginal approprié par l’homme et porteur d’enjeux en milieu urbain. Elle désigne un territoire d’entre-deux contingent du paysage urbain présentant des caractéristiques particulières. Ces caractéristiques sont, entre autres, la marginalité, l’exclusion, l’oubli, l’abandon par les gestionnaires de la ville, la complexité des statuts social, économique, culturel, écologique, etc. Ces territoires interstitiels marginaux sont par exemple, les zones marécageuses, les friches industrielles, les anciennes décharges de déchets, les entre-deux quartiers insalubres et abandonnés, etc.
Ces espaces marginaux appropriés par l’homme ou territoires d’entre-deux en ville constituent une formation urbaine en tant qu’ensemble des structures particulières du paysage urbain présentant des similitudes écologiques et/ou sociétales. Ces espaces de rupture ou de discontinuité soco-spatiale constituent une formation urbaine en tant qu’ensemble de fractions territoriales de l’armature urbaine présentant des similitudes de caractéristiques socio-spatiales et de fonction dans l’appareil urbain. Chacun de ces territoires e contngence est un représentant ou un échantillon de cette formation urbaine.
Au total, la FIU se positionne comme un nouvel ordre socio-spatial de l’architectonique urbaine ; l’ordre de la discontinuité territoriale régie par une contingence socio-spatiale ; l’ordre de la francité, de l’hybridité et de l’intermédiarité territoriale urbaine ; l’ordre des incertitudes socio-spatiales et des antagonismes spatio-fonctionnels urbaines ; l’ordre des incrustations territoriales urbaines ; l’ordre des ruptures de l’homogénéité morphologique et fonctionnelle du tissu corporalisé de la ville… En corollaire, la Formation Interstitielle Urbaine est un nouveau paradigme de formation urbaine et de l’urbanisme qui est l’expression des luttes de territoire en milieu urbain.
B- Qu’est-ce que la Théorie de la Formation Interstitielle Urbaine (Th-FIU)
La Théorie de la Formation Interstitielle Urbaine (Th-FIU) est une hypothèse explicative générale des dynamiques socio-spatiales des interstices territoriaux ou espaces d’entre-deux appropriés par l’homme en milieu urbain. Elle se fonde sur trois Lois scientifiques :
La Loi existentielle : Une entité territoriale urbaine, aussi petite soit-elle, est une formation interstitielle urbaine si et seulement si elle est marginale et se situe dans entre-deux ou l’entre-plusieurs territoires urbains plus significatifs. Elle est régie par une contrainte socio-spatiale, mais exploitée ou mise en valeur positivement ou négativement par l’homme.
La Loi fonctionnelle : Si une entité territoriale urbaine, aussi petite ou apparemment dérisoire soit-elle, est une formation interstitielle urbaine, alors elle a une fonction urbaine et participe, de la fonctionnalité/dysfonctionnalité de l’appareil urbain, avec de possibles répercussions extra-urbaines. La formation interstitielle urbaine est donc en interaction avec le reste de l’espace urbain de manière continue.
La Loi du cycle de vie : Si une entité territoriale urbaine, aussi petite ou apparemment dérisoire soit-elle, est une formation interstitielle urbaine, alors, elle a un cycle de vie qui est l’ensemble de ses états physiques et sociétaux ou de phases, de configurations socio-spatiales… produits par diverses mutations socio-spatiales allant de sa mise en place à sa disparition.
Ces lois sont à la base de la formulation de l’énoncé général de la Th-FIU qui stipule que :
« L’entité territoriale, que constitue la formation interstitielle urbaine, et les territoires significatifs dont elle est l’interstice, constituent un géo-système dynamique régi par trois lois scientifiques : la Loi existentielle, la Loi fonctionnelle et la Loi du cycle de vie. Toute formation interstitielle urbaine est composée de deux appareils cardinaux régis par un cycle de vie : un structurel et l’autre fonctionnel.
La Loi existentielle est révélatrice de la présence d’un appareil structurel. Cet appareil désigne l’ensemble des dispositifs organiques et de contingence de la formation interstitielle dans le géo-système dynamique. Cet appareil comprend deux armatures structurelles :
(1)- L’armature socio-spatiale interstitielle qui s’articule sur les composantes organique, physiques et matériels de la formation interstitielle. Il s’agit des composantes écologique, sociale, économique, politique et culturelle de la formation interstitielle ;
(2)- L’armature de la contingence socio-spatiale qui s’articule sur l’ensemble des contraintes écologiques ou sociétales à l’origine de la marginalisation, de l’exclusion ou du délaissement… de ce territoire résiduel. La contingence est en perpétuelle restructuration et reconfiguration en fonction de l’évolution de l’armature socio-spatiale interstitielle, puis, des influences externes à la formation interstitielle urbaine.
La Loi fonctionnelle permet de reconstituer l’appareil fonctionnel. Cet appareil renvoie à l’ensemble des dispositifs non figés ou dynamiques qui régissent la fonctionnalité de la formation interstitielle. Cet appareil comprend également deux armatures fonctionnelles :
(1)- L’armature des dynamiques spatio-fonctionnelles internes ou intra-interstitielles renvoie à la grille de logiques, de stratégies et de pratiques socio-spatiales internes en matière d’exploitation et de mise en valeur de l’espace interstitiel. Elle structure les impacts desdites dynamiques sur le territoire incrusté, les répercussions desdits impacts, les effets induits desdites répercussions…
(2)- L’armature des dynamiques spatio-fonctionnelles externes ou extra-interstitielles qui renvoie aux échanges, ou plus globalement, les interactions d’ordre écologique, sociale, économique, politique et culturelle entre la formation interstitielle et le reste de la ville voire même tout le pays. Cette armature fonctionnelle intègre les répercussions externes à la formation interstitielle urbaine ou relevant des territoires juxtaposant ladite formation.
La Loi du cycle de vie, chaque appareil, tout comme chaque composante d’appareil, a un cycle de vie spécifique. Le cycle de vie global de la formation interstitielle est la synthèse des cycles de vie spécifiques. Il ne se reconstitue qu’au terme de l’analyse de la formation à travers ses deux appareils cardinaux. Il est structuré en phases de vie correspondant à des temporalités précises. Ces temporalités sont marquées par des configurations socio-spatiales spécifiques de la formation, le développement de types de mise en valeur et de fonction également. Le géosystème de la FIU est synthétisé dans la Figure 1.
C- Que retenir de la Th-FIU ?
D’après cette théorie, toute Formation Interstitielle Urbaine est un espace d’entre-deux contingent et marginal approprié par l’homme en ville. Ce territoire contingent est en interaction perpétuelle avec le reste de la ville. Ces interactions se construisent à partir de la conjecture articulée entre les dynamiques d’acteurs et la contingence socio-spatiale dudit territoire. Deux situations peuvent dès lors être observées :
- La première est la conjecture positive qui s’enregistre lorsque les dynamiques d’acteurs sont objectivées et parviennent à neutraliser la contingence socio-spatiale. Cette neutralisation résulte des modes planifiés et structurés d’appropriation et de mise en valeur de la FIU. Dans ce cas de figure, il y a Transformation positive du territoire marginal et une posture de résonance socio-spatiale se développe entre la FIU et le reste du tissu corporalisé de la ville. Cette résonance est justiciable de deux externalités majeures. La première est la contribution significative de la FIU à la fonctionnalité urbaine. La seconde est la fusion progressive de la FIU dans l’homogénéité morphologique du tissu urbain jusqu’à sa disparition complète ou la fin de son cycle de vie.
- La deuxième est la conjecture négative qui s’enregistre lorsque les dynamiques d’acteurs sont subjectivées et ne parviennent pas à neutraliser la contingence socio-spatiale. Cette incapacité est une réponse aux modes non-planifiés, anarchiques et subjectifs d’appropriation et de mise en valeur de la FIU. Dans cette situation, il y a Transformation négative du territoire marginal et le maintien de la posture de dissonance socio-spatiale entre la FIU et le reste du tissu corporalisé de la ville. Cette dissonance est aussi génératrice de deux externalités majeures. La première est la contribution significative de la FIU à la dysfonctionnalité urbaine et aux effets induits associés. La seconde est le renforcement de la marginalité territoriale de la FIU et le rallongement son cycle de vie.
En définitive, cette Théorie se révèle comme un pertinent outil d’observation, de description, d’analyse et d’interprétation pluridisciplinaire et transdisciplinaire des territoires urbains d’entre-deux ; un instrument de décryptage de l’encastrement de certaines entités territoriales résiduelles, aussi petites soient-elles, entre des entités territoriales plus significatives en milieu urbain. Cet encastrement territorial donne lieu à ce qui est qualifié d’incrustation socio-spatiale.
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