La Théorie de la métropolité alimentaire a été publiée dans la Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé en 2020 par le Professeur MEVA’A ABOMO Dominique (HDR) et l’Ingénieur AMBATTA NYORO Hervé. Elle statue globalement sur le fonctionnement du système alimentaire métropolitain. Ce système désigne l’ensemble des dispositifs et dispositions, des mécanismes et processus concourant à produire et à maintenir / garantir durablement la sécurité alimentaire dans les trois entités territoriales (: une métropole ou ville-mère, les pôles secondaires ou villes satellites et les campagnes associées) d’une aire de métropolité de manière équitable. Il renvoie aussi à l’ensemble des activités de production, de transport, de transformation, de distribution et de consommation des aliments dans un territoire mettant en synergie une métropole, ses villes satellites et ses campagnes. Il s’agit, en fait, d’un supra-système qui combine les systèmes alimentaires urbains et ruraux des villes et campagnes dans un territoire métropolisé. Cette combinaison se matérialise par l’articulation des faits alimentaires des trois entités territoriales en synergie. Cette articulation est génératrice de la métropolité alimentaire qui constitue l’essence même du supra-système.
A- Qu’est-ce que la Métropolité alimentaire ?
La métropolité alimentaire est la conjecture du fait alimentaire entre (1) la ville-mère, (2) les pôles secondaires et (3) les campagnes dans un système alimentaire métropolitain, afin de parvenir à une satisfaction équitable et durable des besoins alimentaires et nutritionnels de toutes les couches de la population dans les trois entités territoriales. Cette conjecture renvoie à un agencement organisationnel et fonctionnel du fait alimentaire[1] faisant interactionner six appareils organiques : la régulation (politico-institutionnelle, législative et juridico-réglementaire), la production, le transport, la transformation, la distribution et la consommation. Ces interactions traduisant la fonctionnalité du système alimentaire métropolitain s’appuient sur trois piliers : la concentration, le réseautage et les flux, en décrivant trois principales dynamiques socio-spatiales : la métropolisation, l’extropolisation et l’intropolisation alimentaire.
- La métropolisation alimentaire désigne les processus de convergence et de concentration de l’offre alimentaire dans une métropole ou ville-mère à partir des villes satellites et campagnes d’une aire métropolitaine.
- L’extropolisation alimentaire désigne les processus de déconcentration alimentaire de la métropole et de convergence de l’offre alimentaire vers les villes satellites et campagnes d’une aire métropolitaine
- L’intropolisation alimentaire désigne le mouvement interne ou la mobilité géographique du fait alimentaire à l’intérieur de chaque cadre socio-spatial structurant l’aire métropolitaine à savoir : la ville-mère, les villes satellites et la campagne.
La métropolité alimentaire peut donc être reconsidérée comme l’articulation des dynamiques de métropolisation, d’extropolisation et d’intropolisation alimentaire.
B- Les Lois scientifiques de la métropolité alimentaire
La métropolité alimentaire est régie par des relations de causalité. La systématisation de ses relations de cause à effet a abouti à la construction de trois Lois scientifiques encore appelées les lois de la métropolité alimentaire.
– La Loi de la fluidité spatio-alimentaire : selon laquelle, les denrées produites localement ou importées ne sont pas géographiquement statiques dans une aire métropolitaine. Elles sont en déplacement continuel vers d’éventuels consommateurs pour échapper à la dégradation naturelle ou à la péremption, et ainsi, boucler leur cycle de vie.
– La Loi de l’osmose spatio-alimentaire : D’après cette loi, les produits alimentaires se déplacent des espaces à forte concentration mais à faible demande, vers des espaces à faible concentration mais à forte demande.
– La Loi du dividende alimentaire : toute modification ou changement d’état existentiel et tout déplacement géographique d’un aliment pendant son cycle de vie sont générateurs d’un ensemble de valeurs ajoutées (économique, fiscale, sociale, écologique, politique, culturelle…) constituant le dividende alimentaire. Autrement dit, le dividende alimentaire est l’ensemble des valeurs ajoutées qu’acquiert et/ou que génère un aliment tout au long de son cycle de vie. Ces valeurs ajoutées sont assimilables à des bienfaits. Sous cet angle, le dividende alimentaire renvoie aussi à l’ensemble des bienfaits (sociaux, économiques, écologiques, culturels et politiques) d’un produit alimentaire pendant son cycle de vie.
Ces lois immuables s’appliquent à chaque appareil organique individuellement et à tout l’appareillage globalement.
C- Que retenir de la Théorie de la métropolité alimentaire
La Théorie de la métropolité alimentaire est une hypothèse explicative générale des dynamiques socio-spatiales du fait alimentaire dans un système alimentaire métropolitain ; un supra-système conjecturant les systèmes alimentaires de la métropole ou ville-mère, des pôles secondaires ou villes satellites et des campagnes. Cette théorie se fonde sur des lois de la causalité qui font de la ville-mère une double centrale névralgique de forces centripètes et centrifuges du fait alimentaire. Ces forces engendrent les dynamiques de métropolisation alimentaire et d’extropolisation alimentaire auxquelles s’adjoint l’intropolisation alimentaire mécanique. La ville-mère a donc le quasi-monopole du fait alimentaire dans l’aire métropolitaine. La métropolité alimentaire peut dès lors être reconsidérée comme le pouvoir ou la capacité d’une ville-mère à conjecturer les agencements organique et fonctionnel du fait alimentaire dans toute son aire d’influence. Rendu à ce stade, deux cas de figure se présentent :
- Lorsque ces agencements sont planifiés, structurés et synchronisés ou en phase, il y a résonnance spatio-alimentaire entre la métropole et les espaces métropolisés (villes satellites et campanes) avec production de quatre principaux effets atypiques : l’équité socio-spatiale de sécurité alimentaire, la souveraineté alimentaire, la production territoriale et le développement local.
- Lorsque ces agencements sont non-planifiés, déstructurés et anarchiques ou en déphasage, il y a dissonnance spatio-alimentaire entre la métropole et les espaces métropolisés (villes satellites et campanes) avec production de quatre effets atypiques : l’insécurité alimentaire, la dépendance alimentaire, les dysfonctionnements territoriaux et le sous-développement local.
Chaque situation de résonance ou de dissonance spatio-alimentaire n’est pas figée dans le temps. Les dynamiques d’acteurs peuvent changer une situation donnée dans le temps, en fonction des enjeux, des potentialités et des opportunités qui interfèrent en continu. La temporalité devient un déterminant majeur du fait alimentaire. Ce déterminisme condut à deux situations :
- Lorsque les dynamiques d’acteurs impulsent l’évolution vers une situation de résonance ou la renforcent davantage, il y a résilience et régénérescence spatio-alimentaire.
- Lorsque les dynamiques d’acteurs impulsent une involution vers une situation de dissonance ou l’empirent davantage, il y a aggravation et dégénérescence spatio-alimentaire.
Les externalités associées à ces deux situations sont également non-figés dans le temps. Elles connaissent parallèlement une évolution ou une involution en fonction de la logique de changement de la situation dissonante ou résonante sous l’effet des dynamiques d’acteurs croisées à la temporalité.
La Théorie de la métropolité alimentaire est en définitive un outil d’observation, de diagnostic et d’analyse stratégique des supra-systèmes. Elle est également apte à la planification stratégique de leur développement durable qui constitue l’un des enjeux majeurs de l’alimentation mondiale en ce 21ème siècle.
[1] Le fait alimentaire désigne l’ensemble des mécanismes et processus d’alimentation d’une population.
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